Projets artistiques et culturels (EAC)

EAC : A quelques mois des 30èmes commémorations du génocide perpétré contre les Tutsis au Rwanda, le témoignage de Valens Kabarari, rescapé du massacre, sur ce qu'il a vécu enfant

Par CHRISTINE GRANGE, publié le lundi 8 janvier 2024 18:05 - Mis à jour le jeudi 11 janvier 2024 09:39
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Du Rwanda, les jeunes de 2024 ne connaissent souvent que l'inscription Visit Rwanda sur le maillot du PSG. Le regard des élèves de TB, TRC, TP et 1P a bien changé depuis la lecture de Vivant de V. Kabarari et la rencontre avec l'auteur.

En 1994, Valens Kabarari avait 7 ans. Il vivait avec sa famille, de "l'ethnie Tutsi", dans un village près de Kigali au Rwanda. Le génocide a commencé le 6 avril 1994 ; jusqu'au 4 juillet, en seulement 100 jours, 800 000 personnes principalement Tutsis, ont été massacrées par les Hutus. La famille de Valens s'est d'abord cachée, puis dans le chaos, elle a été éparpillée et la plupart des membres tués. Seul Valens ainsi qu'un frère et une soeur, séparés, ont survécu.

A 18 ans, Valens est venu en France pour suivre des études en audiovisuel. Il vit désormais dans la Meuse et a publié en 2019 le livre Vivant (Utopia Editions), écrit avec Elise Delage, pour témoigner de son histoire. Il réalise aussi des films documentaires sur le sujet. Dans le prochain actuellement en cours de montage, Les chemins de la mémoire*, il emmènera sa soeur sur le trajet qu'il a parcouru seul en 1994 et les lieux des évènements marquants qu'il a vécus. Le film sera présenté en France notamment à Bar le duc où il vit et dans la région lyonnaise où il a résidé pendant plusieurs années, ainsi qu'au Rwanda dans le cadre des commémorations des 30 ans du génocide.

Lundi 8 janvier après-midi, une rencontre proposée par trois professeurs du lycée soutenus par Chloé Créoff de la Ligue de l’enseignement et de l'association Ibuka France, a eu lieu en salle polyvalente entre les élèves de quatre classes de CAP et Valens Kabarari.

La rencontre a commencé par la projection d'un court film d’animation réalisé par Ibuka France et la Ligue de l’enseignement pour sensibiliser le grand public à l’histoire du génocide et à ses causes bien plus anciennes (disponible sur youtu.be/OfKL9qJaB8o). Il a permis aux élèves de se remémorer les faits déjà découverts avec leurs professeurs en cours d'histoire et en cours de français par la lecture de Vivant.

Les élèves avaient préparé des questions, mais ils s'en sont  souvent détachés pour poser aussi des questions spontanées, encouragés par la simplicité, la clarté et l'empathie de Valens : comment est-ce possible de survivre seul à 7 ans, quel a été le moment le plus dur, y a-t-il un moment où vous avez pensé ne pas pouvoir vous en sortir et être tué, avez-vous eu peur, comment cela s'est-il passé pour les musulmans rwandais pendant le génocide, les génocidaires hutus ont-ils été condamnés par la justice, comment avez-vous fait pour venir en France, comment avez-vous vécu le retour vers le passé en écrivant votre livre qui vous a fait "revivre" cette période, dormez-vous toujours près de la porte pour pouvoir fuir si besoin, comment avez-vous retrouvé votre frère et votre soeur, comment est le Rwanda aujourd'hui, y a-t-il des lieux de mémoire du génocide au Rwanda, connaissez-vous le sentiment de culpabilité du survivant, avez-vous un désir de vengeance ?

Si Valens témoigne par l'écriture, par la réalisation vidéo ou par la rencontre avec le public particulièrement les jeunes, de la barbarie vécue, c'est pour que l'on sache ce qui s'est passé évidement mais aussi pour transmettre un message : étranger à la notion de pardon (en demandant le pardon aux victimes, le criminel leur demande aussi de supporter une partie du poids de sa culpabilité) comme à l'idée de vengeance (se venger, c'est devenir comme "l'autre" un criminel), la "revanche" de Valens, c'est VIVRE. Et dire la barbarie parce que les discriminations sont partout et qu'il suffit de peu de choses pour conduire à l'horreur qui peut être perpétrée par des individus ordinaires, par tout un chacun.

Incontestablement, la puissance du témoignage de Valens Kabarari tient dans la dureté inouïe de ce qu'il a vécu enfant mais aussi dans la résilience remarquable et exemplaire qu'il donne à voir. Ce ne sont pas les élèves du LP qui l'ont rencontré qui diront le contraire.

* Le making off est déjà disponible sur Youtube youtu.be/z2OF0V9i2VQ

Le livre Vivant est disponible en prêt au CDI.