Projets artistiques et culturels (EAC)

Journaliste, Simon Suleymani a raconté à la classe de 1A le chemin de l'exil politique à l'occasion de la Journée Mondiale de la Liberté de la Presse

Par CHRISTINE GRANGE, publié le mardi 11 juin 2024 15:20 - Mis à jour le mercredi 12 juin 2024 11:23
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"Le poisson, qui vit dans la mer, ne sait pas que c'est la mer". C'est par cette citation à méditer que le journaliste kurde a lancé la rencontre organisée dans le cadre de Renvoyé spécial, opération portée par le CLEMI et la Maison des journalistes*

Simon Suleymani est un journaliste et cinéaste kurde né en 1988 qui vivait à Ankara en Turquie en travaillant pour des médias kurdes. D'abord professeur d'anglais, il explique : "Ce n’était pas un choix pour moi de devenir journaliste, mais une motivation, car je veux être la voix de mon peuple". Le pouvoir politique en Turquie se durcissant, les menaces sur la vie des journalistes et opposants au régime deviennent de plus plus fortes. Il est accusé de terrorisme, arrêté et emprisonné pendant 16 mois dans la prison la plus dure, celle des terroristes. Bénéficiant au final d'une libération provisoire en attendant un nouveau procès dont le verdict promet d'être plus dur encore, il décide de fuir, vendant sa voiture pour payer un passeur qui doit le conduire, avec d'autres, en Grèce. Ce ne fût pas un voyage touristique. Après avoir traversé en plein hiver la Maritsa, rivière entre la Turquie et la Grèce, sur un matelas pneumatique qui chavire, il échappe à la noyade dans un réflexe de survie et se retrouve seul dans la campagne grecque où il tombe sur un cultivateur à qui il adresse un "Call the police please" qui le sauvera. Poursuivant à pied son exil forcé par les Balkans et l’Europe de l'Est, après 13 mois de route, un jour c'est enfin l’espoir : il prend un train et arrive en France... à Cannes, ville hautement symbolique pour lui qui est aussi cinéaste. "Cannes ! Le tapis rouge, mon rêve de toujours. J’ai dormi sur un banc, le lit le plus confortable de ma vie !" Sans un sou, une femme lui paye, sans accepter une quelconque contrepartie, un billet pour rejoindre Paris. Dans la France en plein Covid, il trouve refuge à la Maison des Journalistes qui l'aide à obtenir des papiers et il apprend le français sur internet. Des mois plus tard, Simon remboursera le billet de train car il le souhaite ainsi : être en règle dans le pays qu'il a décidé de faire sien.

Simon Suleymani travaille aujourd'hui essentiellement dans le cinéma, a créé un festival de cinéma kurde en ligne et témoigne de son parcours auprès des jeunes pour les sensibiliser à la liberté de la presse. Son témoignage est souvent glaçant et son respect pour la France immense : "Lla France c’est le pays des Droits de l’Homme, des Lumières et de la culture. Je veux améliorer mon français, continuer le journalisme et tourner des films. Ici, je peux écrire ce que je veux."

Pour mémoire, le 3 mai est la journée mondiale de la Liberté de la Presse. La rencontre avec Simon Suleymani le 7 mai était l'occasion parfaite d'aborder avec les élèves ce sujet de la liberté de la presse en l'ancrant dans la réalité par le témoignage d'un journaliste qui s'est heurté à la répression au péril de sa vie. En amont, pour se préparer à la rencontre, les élèves de 1A, 1ère Bac pro Pâtisserie, avaient travaillé en EMC sur la définition de la notion de "liberté de la presse" pour se remettre en mémoire les grands textes fondateurs que sont la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen (1789) et la Déclaration universelle des Droits de l'Homme (1948). ils s'étaient aussi appuyés sur la carte éditée chaque année par Reporters Sans Frontières (voir photo) pour connaître et comprendre la situation de la presse dans les différents pays du monde.

C'est donc avec quelques connaissances sur le sujet que les élèves ont écouté Simon Suleymani raconter son parcours mais aussi pourquoi son métier est avant tout un engagement pour la démocratie. Très attentifs à son témoignage, ils ont aussi posé des questions qui leur ont permis de bien comprendre la réalité des choses : la liberté de la presse, ce n'est pas que des mots, ce sont des faits qui concernent directement les journalistes... mais aussi tous les citoyens. Tous concernés ?

* La Maison des journalistes organise des rencontres et débats au sein d’établissements scolaires, avec le soutien du CLEMI, Centre de liaison de l’enseignement et des médias d’information. Ces rencontres entrent dans le cadre de l'EMI, Education aux Médias et à l’Information, essentielle pour développer un esprit critique face à la multiplication des flux d’informations.